le petit dernier
Il est de cette nuit et le petit dernier, c'est bien connu, est toujours le préféré; en plus, c'est comme qui dirait du vécu.
HALLEMBAYE
Appuyé sur le ciel, il est là, devant moi,
Ce chemin vertical, ensemenceur d’exploits.
Dans huit jours les coureurs le vaincront, magnifiques,
Mais maintenant j’entends son rire sardonique…
Si proche, le si bleu du paradis aimant,
Presque court, le vil gris de l’enfer y menant.
Pour me cogner à lui j’ai donc mis tout à gauche,
J’appelle malgré moi ses suantes débauches.
Un mètre ou deux encore et je suis exaucé :
Trop petits, mes poumons qui voudraient exploser,
Sciés net, les mollets, au secours, je me damne !
Hallembaye, Hallembaye, ah comme tu ricanes !
J’ai tout le temps d’ainsi lire les noms chaulés
Sur ta peau : Frank, Johan, Micaël, Michele…
J’y cherche en vain le mien, l’esprit gourd, ridicule,
On avance si peu qu’on dirait qu’on recule !
Ce que piteusement je me sens gringalet !
Je n’ose même plus regarder le sommet,
Bien trop me fait souffrir ton cruel monticule
L’orgueil seul me maintient debout sous ta férule.
Dressé sur mon vélo comme sur mes ergots,
Je me pousse et me tire à grands coups de chauds mots,
Comme si les criait un public en délire.
Non, juste le silence, et mon espoir chavire…
Tout à coup cependant, un souffle dans mon dos,
Une voix, puis des voix de guerriers à l’assaut !
Laissant sur place, éclairs, mon escargot sénile,
Bartoli et sa bande en triomphe défilent !
Depuis son TGV, m’a-t-il seulement vu,
Moi qui l’éternise en un flash, plus qu’ému ?
Déjà si loin devant, et en prime ils plaisantent :
Pour ces moteurs humains il n’y a pas de pente !
A peine haletants, eux, quand je reste asphalté,
Ils ne font après tout jamais que s’entraîner,
Sans guère se forcer, alors que moi, j’expire,
Trop à mendier de l’air pour même les maudire !
Il est déjà au ciel, l’Archange Michele,
Quand sous un mort l’enfer ne fait que s’allonger !
N’importe, il m’a frôlé si fort, le trop vrai songe,
Qu’elle n’est plus vraiment, cette crampe qui ronge…
Comme lui il me semble alors avoir volé,
Bien plutôt que roulé, jusqu’au tant convoité,
Comme si j’avais eu soudain son énergie,
Comme si, grâce à lui, j’avais retrouvé vie…